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Un Noël magique

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Il y avait des épinards au souper.

Nadine avait bien essayé de les dissimuler sous l’os et le gras de sa viande. Mais, les mamans voient tout.

-          Mange tes épinards. Tu vas devenir grande et forte.

-          Mais j’aime pas ça, maman.

-          Voyons, tu te souviens comment Popeye devient fort dès qu’il les a mangés ?

Nadine soupire, pique un morceau d’épinard avec sa fourchette, le mâche docilement puis…le recrache.

-          Ce n’est vraiment pas bon, maman.

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D’ordinaire, la maman de Nadine n’aurait pas insisté. Mais, ce soir-là, elle était particulièrement énervée. Le propriétaire était passé réclamer le loyer en retard. Elle n’avait pu lui en donner qu’une partie. Et, pire que tout, il ne lui restait rien pour le cadeau de Noël de Nadine. Dire que c’était cette nuit. La petite allait être déçue.

Elle manquait donc vraiment de patience et envoya l’enfant se coucher sans dessert.

Nadine se dirigea vers sa couette sans bruit et cacha sa tête sous les couvertures. Elle ne tarda pas à s’endormir.

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Elle se vit alors déambulant dans la rue enneigée, emmitouflée dans son cache-nez. Devant elle, se tenait un renne.

-          Qu’est-ce que tu fais dehors à cette heure-ci ? demanda-t-il à la petite fille.

-          Maman est fâchée contre moi et je n’arrive pas à m’endormir.

-          Viens, je vais t’amener voir l’atelier de jouets du Père Noël. Tu iras te coucher après.

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Nadine suivit le renne qui avançait à grandes foulées dans le bois. Elle avait froid mais elle était toute excitée à l’idée de voir les lutins qui emballaient les cadeaux.

Ils marchèrent longtemps puis arrivèrent devant une colline boisée. Un grand établi se tenait dans une clairière, à demi dissimulé par un gros chêne. Nadine poussa la porte et s’arrêta, fascinée.  Des dizaines de lutins s’affairaient à emballer des cadeaux. Un elfe vérifiait la liste des enfants qui avaient été sages. Un autre s’occupait d’écrire les adresses.

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-          Un train électrique pour Edmond.

-          Un robot pour Sacha.

-          Une guitare pour Madeleine.

 

Nadine regardait les cadeaux, le cœur battant. Elle se demandait si elle avait été assez sage pour en recevoir ce Noël. Elle fit quelques pas pour voir la liste. L’elfe la regarda avec curiosité.

-          Comment t’appelles-tu ?

-          Nadine.

-          Nadine, voyons voir.

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L’elfe parcourut la liste et tourna la page.

-          Je ne vois pas ton nom.

Nadine se rappela les épinards et se mordit la lèvre, dépitée. Elle ressortit de l’établi.

-          Que fais-tu ? demanda le renne qui l’avait conduite.

-          Il faut que j’aille manger mes épinards, sinon je n’aurai pas de cadeau pour Noël.

-          Nadine, attends.

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Mais, la petite fille courait déjà sur le sentier. Bientôt, elle se retrouva assise à la table de la cuisine. Elle sortit alors l’assiette d’épinards que sa mère avait mise au frigo.

Elle avala une bouchée, puis deux.

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-          Que fais-tu, Nadine ? demanda sa mère, levée en sursaut.

-          Je mange mes épinards, maman.

-          C’est beau, chérie. Tu peux aller te recoucher.  

Quand la petite se fut rendormie, la mère resta pensive un moment. Trop de pensées se bousculaient dans sa tête et elle ne pouvait se rendormir. Elle décida donc d’aller faire un tour pour se changer les idées. La nuit était belle et la lune éclairait les rues. Ses pas la menèrent machinalement vers une maison illuminée de mille et mille décorations de Noël. La mère regarda un moment les lumières scintillantes et vit une poubelle, sortie et déposée à quelques pas de la maison. Elle débordait de victuailles à peine entamées. Dessus, jetée comme un vulgaire chiffon, une belle poupée, vêtue d’une robe étincelante, était posée sur un lit de déchets. La mère regarda alors la maison et reconnut celle du notaire. Il avait une fillette, bien trop gâtée, qui avait dû jeter son jouet pour en réclamer un autre. Le cœur de la mère ne fit qu’un bond. Nadine. Elle ramassa la poupée et la ramena à la maison. Elle la lava à grande eau et lui fit enfiler une robe improvisée avec un morceau de son tablier. Elle posa alors le jouet sous l’arbre de Noël. Elle déposa ensuite la robe souillée sur le tas de linge sale et alla se coucher.

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Tôt le matin, Nadine se leva et courut vers le sapin, le cœur battant. Aurait-elle son cadeau ?

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Elle arriva devant l’arbre. Là, posée sous la branche la plus basse, trônait une poupée aux cheveux brillants, belle comme une princesse. Nadine eut un grand sourire et la serra contre elle. Puis, elle poussa un cri de joie. Un peu plus loin, près de la cheminée, un ours en peluche la regardait avec un grand sourire.

-          Maman, maman ! Le Père Noël m’a apporté plein de beaux cadeaux.    

Sa mère, encore endormie, se leva. Elle vit sa fille, tenant dans ses bras sa poupée et l’ourson. La mère regarda, ébahie, l’animal en peluche et pensa. « Mais, d’où vient-il donc, celui-là ? »

Dehors, un renne s’éloignait déjà, à grandes foulées silencieuses, un grand sourire vissé sur son museau.

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