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Quand la médecine est malade

 

Vendredi 7 heures du matin

Amalia tape à ma porte, me réveillant en sursaut.

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 « Maman, mon visage a encore enflé. Dis-moi que je ne vais pas rester comme ça. »

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Je saute du lit et ouvre rapidement la porte. Ma fille a, de fait, le visage très enflé. Des poches rouges sous les yeux, les lèvres qui ont quasiment triplé de volume. Des plaques rouges parsemées sur son visage et son cou. Le cauchemar de toute mère. Et, évidemment, de toute adolescente.

La réaction allergique qui s’est manifestée la veille a empiré malgré deux prises d’antihistaminiques.   Les symptômes auraient dû diminuer, et non pas augmenter.

Le drame a débuté l’avant-veille au soir. Amalia avait les lèvres légèrement gercées et gonflées. Comme elle a toujours eu les lèvres sensibles et utilise fréquemment un baume pour les hydrater, elle ne s’est pas plus inquiétée que moi. Quand je lui ai proposé d’aller à la pharmacie, elle m’a répondu de ne pas m’en faire. Elle n’avait qu’une hâte. Aller avec son amie assister à la pièce de théâtre pour laquelle elle avait obtenu des billets.

Mais, le lendemain, ça s’est gâté. Arrivée à l’école, elle m’a contactée à neuf heures et demie du matin :

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« Maman, mes lèvres ont gonflé et j’ai des petits boutons. »

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Elle m’envoie une selfie. Mon sang ne fait qu’un tour. Le doute n’est plus permis. Elle présente tous les symptômes d’une réaction allergique. À quoi? Mystère! Je lui demande alors d’aller à l’infirmerie de l’école pour demander du Benadryl.  Amalia me rappelle quelques minutes plus tard.

L’infirmière de l’école est absente et le personnel de l’infirmerie refuse de lui en donner. Je quitte donc rapidement pour la pharmacie et demande conseil à la pharmacienne en lui montrant la photo que ma fille m’a envoyée. Elle me confirme que le Benadryl est certainement le meilleur choix et me conseille de lui en administrer deux comprimés aux quatre heures. Je me dépêche de porter le médicament à l’école.

Amalia a rapidement pris ses comprimés. On est en milieu de journée. En dehors des petits boutons et de ses lèvres enflées, elle n’éprouve pas d’inconfort et décide de rester à l’école puisqu’il ne lui reste que deux cours.

De retour à la maison, je lui dis de prendre deux autres comprimés. Le soir, je ne vois aucune amélioration et décide de l’amener à la clinique le lendemain. Mais, au matin, comme l’enflure de son visage a pris des proportions effrayantes, je change d’avis et décide de l’amener plutôt aux urgences de l’hôpital Saint-Cœur. Je la dépose devant le pavillon des urgences avant d’aller stationner la voiture un peu plus loin.

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Vendredi 7h50 du matin

Je rejoins Amalia aux urgences. Elle a été au triage. Toutefois, l’infirmière auxiliaire, inexpérimentée a simplement déduit que l’adolescente faisait une petite allergie saisonnière et lui a attribué un ordre de priorité inexistant comme si elle souffrait d’un rhume banal. Apprenant cela, je vais voir l’infirmière et lui explique qu’il ne s’agit absolument pas de cela. Amalia souffre plutôt d’une réaction allergique violente et n’a pas réagi comme prévu à la prise d’antihistaminiques. L’infirmière se bute et, voyant qu’il ne sert à rien de discuter avec elle, je vais rejoindre ma fille à la salle d’attente. L’ordre de son passage est alors marqué à 10.

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Vendredi 9 heures du matin

Après être passé à neuf, puis à huit, l’ordre de passage d’Amalia est à présent de douze. Au fur et à mesure que l’urgence se remplit, les chances de ma fille de voir un médecin s’amenuisent. Étant donné l’ordre de priorité que Maryse, l’infirmière du triage, lui a attribué, ma fille risque de ne voir le médecin que tard le soir et encore, n’est-ce pas sûr. Ma fille a le visage enflé au possible, son cou lui fait mal. Je commence à craindre des difficultés respiratoires.

À neuf heures trente-huit, découragée, je décide d’envoyer par courriel un message de plainte au commissariat dédié aux réclamations et me résigne à attendre encore, me disant que je devrais avoir bientôt une réponse.

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Vendredi 13h05 de l’après-midi

Après être passé à trois, l’ordre de passage de ma fille est retombé à quatre puis à cinq avant de se retrouver à huit. Je décide alors de passer à l’action. Je demande où est le bureau des plaintes et me dirige d’un pas décidé afin de faire une réclamation en personne. Arrivée devant le bureau, j’explique la situation à la préposée, lui montrant des photos de l’évolution de la réaction allergique de ma fille. Elle commence par me dire qu’elle ne peut rien faire, que l’infirmière a tous les pouvoirs, mais ce qu’elle lit dans mon regard la fait changer d’attitude. Elle me demande de sortir quelques minutes du bureau afin de pouvoir procéder à des appels. Je sors donc de son bureau et attends dans le couloir. Je reçois alors un appel de ma fille. De huit, son ordre de passage est passé brusquement à un. Je vais alors rejoindre mon enfant dans la salle d’attente des urgences.

 

Vendredi 14h10

L’ordre de passage de ma fille est toujours marqué à un depuis plus d’une heure sur le babillard.  Finalement, un appel. Nous passons à la salle pour qu’elle voie le médecin. Le docteur Beaudoin, une femme dans la trentaine l’examine et conclut à une crise d’urticaire violente dont la cause est inconnue. Bien qu’il y ait un allergologue à l’hôpital, elle m’explique qu’il ne peut voir ma fille puisqu’elle n’a que quinze ans. Il faudrait qu’elle se rende à un autre centre hospitalier pour tenter de trouver les causes de l’allergie.

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Le médecin nous explique aussi qu’elle va rappeler ma fille d’ici une heure pour lui administrer de la cortisone et des antihistaminiques. Je n’en reviens pas. Amalia est à l’hôpital depuis huit heures moins dix du matin. Elle a attendu plus de six heures pour voir un médecin et voilà qu’il faut qu’elle attende une heure de plus pour avoir un médicament qui la soulage. C’est tout simplement inimaginable.

Nous retournons une fois de plus à la salle d’attente.

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Vendredi 15h15

On appelle finalement le nom de ma fille et nous nous dirigeons vers la salle désignée afin qu’elle puisse recevoir à la fois la dose requise de cortisone et l’antihistaminique. Elle prend les médicaments et on nous demande de retourner à la salle d’attente. Le médecin devra la revoir dans une heure pour constater l’évolution de son état.

 

Vendredi 16h20

On appelle une nouvelle fois le nom de ma fille. Si l’enflure a diminué, elle reste quand même importante. Quoi d’étonnant? La pauvre petite a dû tellement attendre pour recevoir les médicaments qu’il lui fallait. Le médecin prescrit alors à nouveau de la cortisone pour les deux jours à venir en plus d’un antihistaminique. Elle rédige aussi quelques notes à l’attention du pédiatre de ma fille qu’elle me demande de lui porter pour un suivi avec lui. La longue attente est terminée. Il aura fallu sept heures d’attente et deux plaintes afin que ma fille soit prise en charge à l’urgence.

 

La médecine va donc bien mal !

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